Ancien officier de marine, Reinhard Heydrich fut distingué par Himmler et mis à la tête du SD, le service de sécurité de la SS. Ayant ainsi autorité sur les services secrets et la Gestapo, il eut entre les mains une puissance qui n'était guère dépassée que par celle de Hitler lui-même. Il fut avec Himmler l'un des concepteurs de la « solution finale de la question juive ». Nommé protecteur de Bohême-Moravie, le « bourreau de Prague » fut abattu en 1942, à trente-huit ans, par des résistants tchèques. Son voeu ultime fut que la destruction des Juifs soit menée à bien.
L'apport essentiel d'Édouard Calic est de dévoiler dans cet ouvrage le rôle joué dans l'ombre par Heydrich dans toutes les provocations et attentats orchestrés par les nazis : l'incendie du Reichstag, qui permit leur prise de pouvoir, la Nuit des longs couteaux, l'assassinat du roi de Yougoslavie à Marseille, la Nuit de cristal, l'affaire de Gleiwitz, prétexte au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, le faux attentat contre Hitler en novembre 1939, etc. Sur tous ces dossiers, Édouard Calic met en lumière ce que fut l'action réelle d'Heydrich.
Ce livre est unique : il est non seulement la biographie d'un criminel, mais aussi le récit d'une descente aux enfers dans le camp de concentration de Sachsenhausen-Oranienburg où Edouard Calic, journaliste, a été déporté pendant trois ans. Il y décrit l'univers carcéral et les pratiques des tortionnaires nazis. C'est dans ce camp que Himmler installa son état-major, quartier général de tous les camps de concentration d'Allemagne et des pays occupés. C'est là que sous son contrôle, l'inspection centrale des SS mit au point les différentes méthodes d'utilisation des instruments de destruction massive (chambres à gaz et fours crématoires) avant de les mettre en application dans les autres camps. C'est là qu'on internait essentiellement des prisonniers dits politiques - dont Léon Blum -, souvent exécutés avec toute leur famille, et qu'un atelier de fausse monnaie fut installé, produisant environ quinze millions de livres sterling, qui devaient s'ajouter à l'argent soustrait aux prisonniers, pour soutenir l'effort de guerre allemand. Centre de formation des SS - où l'on enseignait l'espionnage, la subversion et l'assassinat - Sachsenhausen fut aussi le lieu d'expérimentation d'armes secrètes sur les prisonniers-cobayes. En décrivant le fonctionnement de ce camp et l'empire de Himmler, Calic y fait le portrait de ce l dirigeant nazi, maître de la SS et chef des polices allemandes, organisateur du combat contre l'ennemi et de la solution finale du problème juif. Edouard Calic ne manque pas d'y décrire avec précision les réseaux de résistance au sein du camp, les sabotages et les plans de rébellion, dans lesquels il joua un rôle clé.
Lorsque éclate la Seconde Guerre mondiale, Edouard Calic est étudiant à Berlin et correspondant d'un journal yougoslave. Il a ainsi l'occasion d'approcher des théoriciens du nazisme et des personnalités politiques telles que Heinrich Himmler et ses deux principaux adjoints, Heydrich et Müller, avant d'être déporté pour faits de résistance.