Pendant presque cinquante ans, la guerre froide a fait du sport international un théâtre spectaculaire de la rivalité Est-Ouest. Sur ce nouveau champ de bataille de la guerre d'influence entre les blocs, victoires et médailles étaient synonymes de rayonnement, mais aussi de déstabilisation de l'adversaire. Tandis que les États clamaient leur attachement aux valeurs universelles du sport, gouvernements et diplomates, parfois même services secrets, s'affairaient en coulisses pour exploiter l'image des athlètes. À Moscou, on craignait de voir « l'impérialisme » manipuler le monde du sport. À Washington, on dénonçait l'amateurisme de façade des athlètes « rouges ». Scandales, coups tordus, opérations secrètes : dans cette histoire, le fair-play fut très souvent laissé sur la touche. On n'hésitait pas à accuser le camp d'en face de tricherie. Quand les Soviétiques dénonçaient la ségrégation des athlètes afro-américains, les États-Unis favorisaient des défections de champions de l'Est.
L'ouvrage revient sur les vies de sportifs impliqués, souvent malgré eux, dans les rivalités de la guerre froide : Emil Zatopek, Wilma Rudolph, Tamara Press, Abebe Bikila, Bobby Fischer, Nadia Comaneci, Mohamed Ali, ou encore Martina Navratilova. Il raconte les grandes compétitions qui ont jalonné ces cinq décennies, en premier lieu les Jeux olympiques, mais aussi les rencontres et tournois internationaux en football, en athlétisme, en basket-ball et dans bien d'autres disciplines. Une histoire de performance et de compétition, d'affrontements aux allures de guerre psychologique devant les masses ou souterrains. Un récit surprenant et insolite d'un conflit qui a durablement marqué les sociétés partout dans le monde.
Sylvain Dufraisse est agrégé d'histoire et docteur en histoire contemporaine de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il est actuellement maître de conférences à Nantes Université.
Athlète d'État, dopage omniprésent, tutelle pesante du KGB... La liste des croyances collectives sur le sport soviétique est bien ancrée dans les mémoires.
Cet ouvrage, le premier en français sur ce sujet, éclaire à partir de sources inédites le processus de fabrique des champions en URSS et leurs conditions sociales d'existence. Les «?héros du sport?», incarnations du régime dans les stades au moment de la Guerre froide, ont été pour les Soviétiques des figures qui ont donné corps à la patrie et à ses succès. Ils eurent à démontrer par leurs performances la capacité à «?rattraper et dépasser?» les États capitalistes et à réaliser des «?hommes nouveaux?». Loin d'une seule machine à broyer les vies, le sport s'est avéré aussi un moyen de faire partie des promus du régime.
À la mort de Joseph Staline en 1953, l'URSS est un empire immense et divers. Le plus vaste État du monde abrite plus d'une centaine de nationalités, se répartissant dans les quinze républiques qui le composent. Depuis la Révolution de 1917, et tout particulièrement sous Staline (1924-1953), un régime autoritaire et centralisé est progressivement mis en place afin d'assurer le contrôle social nécessaire à la création du nouveau monde socialiste. Pour gouverner les espaces et les populations, l'État-Parti déploie une administration nombreuse, aux méthodes souvent coercitives. Si les effets sociaux de l'expérience stalinienne ont été explorés par l'historiographie, la période post-stalinienne (1953-1992) est moins connue. Ce numéro contribue au renouvellement historiographique visant à affiner et à nuancer l'image d'un État-Parti vertical et omnipotent dans l'URSS post 1953, et à interroger les sphères et les pratiques du gouvernement. L'étude des capacités et leviers de mobilisation étatiques, de la coordination et des concurrences entre les échelons de gouvernement est en effet susceptible de révéler les spécificités du système socialiste et de l'État soviétique et ses évolutions jusqu'en 1992. Qui sont ceux qui gouvernent et administrent l'URSS ? Comment construisent-ils les politiques publiques et les étendent-ils à de nouvelles sphères d'intervention ? Comment les institutions chargées du gouvernement font-elles face aux impératifs de modernisation ? De quels degrés d'autonomie, d'initiative et d'innovation les acteurs locaux disposent-ils pour appliquer des normes venues du centre ?