L'Amérique latine passe, à juste titre, pour un continent de violences, souvent extrêmes. C'est pourtant aussi une région qui, dans les dernières décennies, donne à voir le plus grand nombre d'expériences, réussies ou non, de sortie de la violence, à travers négociations de paix, transitions démocratiques, processus mémoriels, mobilisations sociales et créations culturelles. En résonance avec ce que vit la France depuis 2015, mais aussi face à cette période qui voit des ex- plosions de violence essaimer le Territoire; rixes entre bandes de jeunes, agres- sions des forces de police, contestations sociales violentes (Gilets jaunes), cet ouvrage ouvre des pistes de sortie de la violence. Sortir de la violence. Ce que nous enseigne l'Amérique latine est le premier ouvrage entièrement consacré à une étude comparative de ces expériences.
Des chercheurs en sciences sociales (sociologues, politistes, historiens, anthro- pologues) y confrontent leurs analyses et leurs réflexionsur ce thème.
Le programme a débuté dans le cadre d'un appel à projets du CNRS, suite aux at- tentats de 2015 en France. Il s'est poursuivi à la Fondation Maison des Sciences de l'Homme-FMSH, en collaboration avec le Centre national de la mémoire his- torique
Les mouvements indiens constituent le principal, sinon le seul mouvement social en Amérique latine ces dernières décennies. À l'échelle planétaire, dans un monde marqué par la montée des affirmations identitaires antidémocratiques, ils comptent parmi les rares acteurs qui combinent projet culturel, revendications sociales et aspirations démocratiques. À travers ces mouvements, les Indiens ont acquis une nouvelle visibilité dans tous les pays d'Amérique latine, qu'ils y représentent une part importante de la population (Équateur, Bolivie, Pérou, Guatemala, Mexique) ou qu'ils ne soient qu'une minorité plus ou moins significative (Colombie, Brésil, Nicaragua, Panamá ou Chili).
Depuis l'apparition de la première organisation indienne moderne parmi les Jivaros d'Amazonie équatorienne au milieu des années 1960 jusqu'à l'actuelle mobilisation des Mapuches du Chili, le phénomène n'a fait que s'étendre, avec à plusieurs reprises un retentissement mondial : la guérilla des Miskitos du Nicaragua, qui a mis en difficulté le régime sandiniste ; le mouvement indien guatémaltèque dont Rigoberta Menchú, prix Nobel de la paix en 1992, a illustré la destinée tragique ; et surtout l'insurrection zapatiste au Chiapas, qui a ébranlé à partir de 1994 la pyramide mexicaine et mobilisé des sympathies et des oppositions bien au-delà des frontières. Aujourd'hui, en réaction à la déferlante néolibérale, aux insuffisances démocratiques et à la corruption, les Indiens sont parfois tentés par des expériences néopopulistes, comme celles qui ont lieu en Bolivie avec Evo Morales, en Équateur avec Rafael Correa ou au Venezuela avec Hugo Chávez qui reprend à son compte l'histoire indigène.
Les mouvements indiens contribuent à modifier l'image d'une Amérique qui n'est plus uniformément latine. Surtout, ils ébranlent un racisme qui ne dit pas son nom et permet à des millions d'Indiens de marcher la tête haute. " Nous autres Indiens, nous étions invisibles et il a fallu que nous nous couvrions le visage pour que l'on nous voie et que l'on nous entende ", disent les zapatistes.
La mondialisation débouche-t-elle inévitablement sur l'uniformisation du monde ? Ou favorise-t-elle au contraire la diversité culturelle, l'émergence d'un monde fait de plusieurs mondes ? Le Mexique, qui partage 3 000 kilomètres de frontière avec les Etats-Unis, est en première ligne sur le front de la mondialisation néolibérale.
Il est en même temps l'un des pays les plus indiens du continent américain : un dixième environ de la population, soit quelque dix millions d'individus, des milliers de communautés et plus de cinquante langues différentes. Longtemps repoussés sur les marges, convertis en curiosités touristiques, en objets d'étude ou de musée, les Indiens resurgissent avec force sur le devant de la scène. Tournant le dos au folklore, aux représentations passéistes ou misérabilistes, des acteurs sociaux, des écrivains et des artistes indiens entreprennent de sortir du silence et de forger eux-mêmes leur image.
Du Chiapas à Los Angeles, on visitera ici quelques moments forts de ce mouvement, quelques étapes et quelques figures parmi les plus significatives : l'insurrection de la parole provoquée par le soulèvement zapatiste de 1994 au Chiapas, un mouvement de peintres dans l'Etat du Guerrero, la présence des Indiens dans la ville de Mexico, mais surtout le dynamisme culturel de la région la plus indienne du Mexique, l'Etat d'Oaxaca, et la fragile réinvention des identités parmi les immigrés dans le nord du pays et en Californie américaine.
Ancrés dans les luttes sociales et formant des réseaux, des passeurs de culture bousculent les frontières entre art et artisanat, entre communautés, entre villes et villages, entre Indiens et non-Indiens, entre le Sud et le Nord.