Entre les deux guerres mondiales, la pratique des danses de société à Paris connaît une mutation sans précédent en raison de l'introduction de genres provenant des Etats-Unis (fox-trot, shimmy, charleston...), de la zone caribéenne (biguine, rumba...) et d'Amérique du Sud (tango, samba...). Au lendemain de l'armistice, le dancing, lieu privilégié de la pratique des danses nouvelles, propose au public un contexte attrayant. Accueillant des orchestres de jazz, de tango ou de musique antillaise, il fait concurrence aux grands bals hérités de la Belle Epoque ainsi qu'aux bals populaires et se distingue par une mixité sociale, générationnelle et ethnique inédite. Comment la société parisienne s'approprie-t-elle ces danses des Amériques ? Quels en sont les passeurs (musiciens, danseurs...) ? En quoi les innovations techniques (disque, radio, cinéma) ont-elles permis la fixation ainsi que la médiatisation de genres illégitimes dans leur territoire d'origine ? A travers l'analyse des pratiques et des imaginaires, il s'agit aussi de comprendre comment, malgré les résistances de toutes sortes (nationalistes, corporatistes, puritaines, xénophobes, etc.), ces danses ont rencontré un succès phénoménal, comment ces Amériques à la culture métisse sont devenues des modèles durables en matière de pratiques sociales de danse et comment ces nouvelles formes ont modifié en profondeur les rapports des Français et des Françaises au corps, au rythme et au couple dansant.
Danseuse et docteure en histoire de l'université Paris 1, Sophie Jacotot a reçu le prix de thèse 2009 du musée du Quai Branly. Elle s'est intéressée aux transferts culturels chorégraphiques transatlantiques et aux modalités de la pratique sociale de la danse en France dans l'entre-deux-guerres. Chercheuse associée au Centre de recherches sur les arts et le langage (CRAL) et au Centre d'histoire sociale du XXe siècle (CHS). elle poursuit ses recherches sur l'histoire de la danse à l'époque contemporaine.
Un modèle hollywoodien ?
On connaît la boutade de Raoul Walsh à propos des trois éléments essentiels du cinéma : «Action, action, and... action».
Dans les années 1980, Hollywood produit quantité de films dans lesquels l'action devient le principal moteur narratif. Ces divertissements qui mettent en scène, sur fond d'esthétique publicitaire, des thèmes comme la revanche sur la guerre du Vietnam (Rambo, Missing in action, Delta Force...), la condamnation des déviances de la société américaine (Cobra, Robocop, Death Wish, Dirty Harry...), ou la figuration manichéenne de héros victorieux [Rocky, Die Hard, Conan the Barbarian...), sont très vite considérés comme les «porte-avions» de la propagande reaganienne.
Au croisement des études américaines, des études cinématographiques, de la sociologie et de l'histoire, une nouvelle génération de chercheurs dresse le bilan de cette production en s'attachant notamment aux phénomènes de réception populaire.
Cet ouvrage analyse les rouages du système de production des films à grand spectacle et observe à travers eux l'édification d'une mythologie hollywoodienne de la société américaine des années 1980. L'engouement du public - mais aussi l'étonnante longévité commerciale de ces films - pose la question des différences culturelles et des modes de pensée mis en oeuvre pour comprendre la réception du film de genre de part et d'autre de l'Atlantique.
Frédéric Gimello-Mesplomb est maître de conférences à l'Université de Metz et enseigne à Sciences Po Paris.
Michel Cieutat est professeur à l'université de Strasbourg, co-auteur avec Christian Viviani de Pacino-De Niro, regards croisés, Nouveau Monde éditions.
Cet ouvrage est publié dans la collection «Histoire et cinéma», dirigée par Jean-Pierre Bertin-Maghit et Yannick Dehée.
Verdun, une épreuve ? Qui en douterait ! Le cinéma de cette bataille est né pendant l'affrontement de 1916, année des premières autorisations de tournage de l'Armée française sur le front. Les premières images animées de l'événement Verdun sont donc des films militaires. Dès 1917, le cinéma de fiction commercial prend le relais du Service Cinématographique de l'Armée. Avec Verdun tel que le poilu l'a vécu (1927), la bataille s'expose dans les récits filmés, mêlant archives et documents de fiction. L'auteur met ainsi en avant la rencontre problématique entre histoire privée et grande Histoire . S'appuyant sur les travaux de Georges Duby, Paul Ricoeur ou Michel de Certeau, il fait la lumière sur les productions filmiques qui ont convoqué la guerre. Les années 1930 donnent l'occasion au cinéma de témoigner de la bataille (La Grande Illusion). Si, dans la seconde moitié du XXe siècle, Verdun semble avoir déserté le champ mémoriel et l'écran de cinéma, son incessante résurrection ne comble pas toutes les tranchées de la mémoire.
Clément PUGET Maître de conférences en cinéma et audiovisuel à l'université Bordeaux Montaigne, Clément Puget est membre associé du groupe de recherches Théâtres de la mémoire . Il mène des recherches sur les rapports entre Histoire et cinéma, tant du côté de l'historiographie que des représentations.
Que sait-on précisément des moments de pause et de décompression durant la guerre de 14-18 ? Des soldats photographes amateurs ont immortalisé des clichés du repos, loin des combats. Constitués en albums, ils montrent la face cachée d'une guerre célèbre pour sa violence totale. Ils évoquent des moments collectifs dédiés à la lessive et la toilette, à la musique ou aux repas, qui disent une immense soif de paix et de normalité. Tous fonctionnent comme autant de rituels qui soudent les individus en les agrégeant les uns aux autres.
Pour qui cherche à comprendre le caractère exceptionnel de l'endurance à la violence extrême, omettre la banalité du repos parce qu'elle n'est pas sensationnelle conduirait à un contresens historique. La résistance, le courage et le sacrifice ne sont possibles que parce qu'ont existé, dans les interstices de la brutalité totale, des espaces de moindre relief et de relâchement, repas collectifs, divertissements puérils et parties de pêche entre hommes. Cette dimension, seuls les clichés d'amateurs en délivrent une image. Ils restituent alors la complétude des «bonshommes» de 14-18, dont les expériences intenses ne se limitèrent pas à l'insoutenable. Constitués comme des albums de famille aux codes visuels spécifiques, ces recueils témoignent combien le rire, le plaisir et le jeu fondèrent l'identité combattante autant que la mort.
Agrégée d'histoire et docteure de l'Institut universitaire européen de Florence, Joëlle Beurier enseigne à l'université de Reims. Spécialiste des images de la Grande Guerre, et plus particulièrement des photographies de presse, elle a publié Images et violence. Quand Le Miroir racontait la Grande Guerre (Nouveau Monde éditions, 2007). Ses recherches se poursuivent sur le photojournalisme moderne dans une perspective transnationale.
Entre 1945 et 1975, presque 3000 longs-métrages furent interdits aux mineurs. Cette étude met en lumière la réalité de la censure en combinant trois approches complémentaires : l'analyse des réquisitoires des censeurs et celle des plaidoyers des auteurs, l'analyse statistique et, enfin, l'analyse filmique des ?uvres elles-mêmes. L'histoire de la Commission de contrôle des films est ici retracée, depuis la Libération jusqu'à la proclamation de la fin de la censure par Valéry Giscard d'Estaing suivie de l'instauration du classement X, en passant par la sévère réforme mise en oeuvre en 1961 par les gaullistes. A cette époque, les jeunes, plus nombreux, changent. Et l'inquiétude qu'ils suscitent croît. Confrontés aux rigueurs de la censure, les cinéastes élaborent des ripostes originales, protéiformes et, parfois, efficaces. Jusqu'au milieu des années 1960, la transgression n'était le fait que de francs-tireurs. Par la suite, elle est devenue la réponse industrielle de la profession à la baisse de la fréquentation pour, finalement, se dissoudre dans la banalisation. Sexualité, violence, politique, questions sociétales : ce livre balaie l'ensemble des représentations, coproduites par les censeurs et les cinéastes, dont s'est nourrie la jeunesse des Trente Glorieuses. Minutieuse analyse des dossiers de la Commission de contrôle, travail d'historien tranchant avec les précédents travaux de juristes. Cet ouvrage fait resurgir des affaires significatives autour d'oeuvres laissées de côté par l'histoire de l'art, mais que l'histoire de la société française ne saurait ignorer (Clochemerle, La Jument verte ; les films de Rivette, etc.). Plusieurs correspondances croustillantes sont mises en lumière, notamment celle de José Bénazéraf.
Enseignant d'Histoire-Géographie et de Cinéma, Frédéric Hervé a effectué ses travaux de recherche sous la direction de Pascal Ory dans le cadre du Centre d'Histoire Sociale du XXe siècle de l'université Paris 1. Il s'intéresse particulièrement à la censure cinématographique, aux politiques de la jeunesse et à la transgression. Il a notamment participé au colloque international L'identité nationale à l'épreuve des identités culturelles en Allemagne, en France, au Royaume-Uni : une approche critique ; et publié Un couple épatant : l'auteur de la Nouvelle Vague et le censeur du cinéma, dans Le Temps des médias n°19, Amour toujours. Du cantique des cantiques à meetic en 2012.