Filtrer
Rayons
Support
Éditeurs
Langues
Prix
Verdier
-
Le Dicôlon - figure qui hante le narrateur et l'engage à raconter son histoire - est ce personnage à deux corps du théâtre populaire grec, ce héros de carnaval qui porte en permanence sur son dos le corps mort de son frère.
Le conflit intime du même et de l'autre va jeter Haris, le frère, dans un désenchantement qui touche aussi bien la terre d'origine - une Grèce mythique - que la terre d'accueil - une Europe idéalisée -, et aboutit à l'échec amoureux puis au suicide dans la solitude de l'exil. Mais le mort que l'on porte en soi, au point que les deux corps n'en forment qu'un, se révèle, au fil du récit, comme le signe de la fraternité fécondante de la vie et de la mort, capable d'engendrer du sens, une parole et une existence renouvelées.
" C'est toujours ainsi que les choses se passent : toutes nos idées ne sont-elles pas toujours dues à des morts, que nous devons ramener à la vie et pousser plus avant ? Et si nous étions tous d'une certaine manière Dicôlon ? ".
-
Double exil est le second volet de la grande trilogie romanesque de Yannis Kiourtsakis dont la traduction du premier volume, Le Dicôlon, a été remarquée par la critique.
L'auteur revendique fermement d'avoir écrit un roman, en même temps qu'il ne nie pas sa dimension biographique. Le récit est rédigé à la troisième personne, sans masquer pour autant que le héros et l'auteur du livre précédent ne font qu'un.
Ce « dédoublement » est le signe sous lequel est placée la totalité de l'oeuvre de Kiourtsakis : on se souvient que, dans Le Dicôlon, le centre de gravité de la narration était occupé par la relation complexe du narrateur avec son frère aîné dont le suicide était pour lui une énigme à élucider.
Dans Double exil, Yannis Kiourtsakis quitte la Grèce pour venir, comme son frère, étudier en Europe : il choisit Paris et la faculté de droit ; il y rencontre une Française, Gisèle, sa future épouse. Le roman les accompagne à travers les années sombres de la dictature des colonels (1967-1974), puis au temps des premières années du retour du pays à la démocratie, avec l'avènement de la République.
Si l'exil est double, pour le héros de ce livre, c'est qu'il se découvre deux patries - la France s'ajoutant à la Grèce - sans appartenir pleinement à l'une ni à l'autre.
Mais l'écriture opère chez le romancier une métamorphose qui, pour finir, fera de lui un écrivain grec trouvant dans les mythes populaires de son pays un moyen de se comprendre.
Comme à la fin de la Recherche, le héros entrevoit soudain ce que sera son futur livre.