Ce livre s'adresse à ceux qui croient en la littérature, parce qu'elle présente des vérités inaccessibles à la philosophie et aux sciences humaines. La raison, si elle est conséquente avec elle-même, ne peut nous donner d'autre horizon que le néant après la mort, et les néants qu'elle ne cesse de semer dans son « progrès » depuis que l'humanité en a fait son culte. Ramener la raison à ce qu'elle est, à savoir une simple procédure efficace de pensée, l'enrichir par d'autres ressources de notre imagination afin d'ouvrir de nouveaux horizons à notre existence : voilà le propos de Pascal. Pour l'établir, il est nécessaire de se débarrasser des clichés : Pascal janséniste, Pascal apologiste, Pascal « effrayant génie ». Cet essai original s'emploie à dégager la constante de son travail, qu'il s'intéresse à la géométrie, à la Bible ou aux affaires humaines : la pensée figurative. Celle-ci consiste à placer devant nos existences présentes un horizon figuré qui leur donne sens. Ainsi réorientés passons-nous de l'existence à la vie vraie.
Hubert Aupetit est agrégé de mathématiques et de lettres modernes, et docteur ès lettres. Il est l'auteur d'ouvrages de météorologie, d'aéronautique, de littérature et de philosophie. Il écrit aussi des romans, sous une autre identité.
La france a longtemps passé pour le pays des femmes. elle a pourtant la réputation d'être aussi celui d'un féminisme timoré qui a tardé plus qu'ailleurs à asseoir ses conquêtes. d'où vient cette timiditéoe et pourquoi le discours du féminisme extrémiste trouve-t-il en france si peu d'écho?
C'est ce paradoxe qu'explore le livre de mona ozouf, en cherchant à écouter et à faire entendre " les mots des femmes ", ceux qu'elles ont choisis elles-mêmes pour décrire la féminité. ainsi se succèdent les figures et les voix de madame du deffand, madame de charrière, madame roland, madame de staël, madame de rémusat, george sand, hubertine auclert, colette, simone weil, simone de beauvoir.
La traversée de cette galerie fait découvrir la diversité inventive des cheminements féminins. elle met en valeur une singularité française dont l'essai qui clôt cet ouvrage restitue l'histoire et les contours.
Mona ozouf, directeur de recherche au c.n.r.s., a consacré l'essentiel de son oeuvre à la révolution française, à l'histoire de l'ecole et à l'idée républicaine. elle est l'auteur notamment de la fête révolutionnaire (1976), de l'ecole de la france (1984) et, avec jacques ozouf, de la république des instituteurs (1992).
Chaire L'invention de l'Europe par les langues et les cultures 2022-2023 L'Europe réunit une grande variété de langues et de cultures. À la fois une et plurielle, elle véhicule un rêve culturel d'intégration. Comment faire vivre ensemble des langues, des littératures, des cultures, en respectant leur diversité ? Mieke Bal aborde cette question en interrogeant les notions de frontières (géographiques, linguistiques, culturelles), d'identité (qu'elle rejette pour sa « fixité »), d'identification. Elle propose un voyage dans la sémiosphère européenne sur les traces de Henri Cartier-Bresson, d'Edvard Munch et d'autres artistes-penseurs, montrant que leurs oeuvres donnent corps aux processus d'intergration qu'elle invite à penser. Diversité, union : le débat autour de ces enjeux est essentiel pour la construction de l'Europe.
Mieke Bal est théoricienne d'art et de littérature, analyste de la culture et réalisatrice. Professeure à l'université d'Amsterdam, elle y a cofondé l'Amsterdam School for Cultural Analysis (ASCA). Elle est professeure invitée sur la chaire annuelle L'invention de l'Europe par les langues et les cultures, créée en partenariat avec le ministère de la Culture, pour l'année 2022-2023.
Vladimir Nabokov et sa femme Véra se sont rencontrés en 1923, à Berlin, où leurs familles respectives avaient fui le pouvoir bolchevique. Tout au long du demi-siècle que dure leur mariage, ils ne sont séparés que rarement, mais alors il lui écrit chaque jour : ainsi quand Véra part se soigner dans un sanatorium de la Forêt Noire, quand Vladimir rend visite à sa famille réfugiée à Prague, où quand Véra tarde à le rejoindre à Paris. Plus tard, ses conférences dans le Sud des États-Unis suscitent de nouvelles lettres. Dans toute cette correspondance, pour nous à sens unique - Véra ayant détruit ses propres lettres -, on voit la passion de Nabokov pour sa femme, sa vie quotidienne dans le milieu de l'émigration russe à Berlin, les bouleversements auxquels tous deux sont confrontés dans leur vie matérielle et affective, le dénuement qui est le sien lors de ses débuts à Paris, l'intérêt croissant suscité par son oeuvre auprès des éditeurs et d'un public éclairé, le soutien indéfectible que lui apporte Véra.
Ces lettres, outre ce qu'elles révèlent sur l'homme, nous font découvrir le laboratoire de l'écrivain - son énergie créatrice, la pléthore de sujets qui surgissent et disparaissent, l'intensité de son travail - et on y reconnaît l'originalité de son style : sa veine parodique, poétique, sa vivacité et ses jeux de mots.
« Dans une France où une figure internationale, médiatique, cohérente, courageuse, cherchant sans relâche un consensus pertinent et incarnant la grandeur des idéaux intellectuel et humaniste, est totalement absente, voici mon frère, voici notre héros : Albert Camus. » Abd Al Malik a rencontré Albert Camus dans les pages de ses livres. Et cette rencontre a forgé son devenir d'artiste, de musicien, d'écrivain. Entre les premiers textes dans la cité de Strasbourg, les échecs des débuts et les souvenirs d'enfance, il nous montre ici l'importance qu'elle a prise dans son parcours. Le tirant toujours plus haut, toujours plus loin.
Abd Al Malik est rappeur, écrivain et réalisateur. Il est notamment l'auteur de La Guerre des banlieues n'aura pas lieu (Cherche Midi, 2010), et de L'Islam au secours de la République (Flammarion, 2013).
Toutes les cultures du monde se sont interrogées sur la question du « sens ». Dans notre société en perte de repères, la science, nous dit Jean-Marie Pelt, permet, en explorant le réel du big bang jusqu'à l'homme, d'apporter des éléments de réponse à cette question.
En effet, d'un bout à l'autre de la longue histoire de l'univers, l'évolution conduit des éléments simples à s'associer pour former des entités plus complexes, faisant émerger de nouvelles propriétés C'est ce qu'il appelle le « principe d'associativité ». Par de multiples exemples puisés dans la nature, Jean-Marie Pelt met en lumière le fait que la vie doit davantage à l'alliance qu'à la rivalité.
Pierre Rabhi défend avec lui ce principe en « intendant et serviteur de la Terre nourricière », comme il se définit lui-même. Pour lui, il appartient désormais aux hommes de poursuivre ce processus en privilégiant la coopération au détriment de la compétition, source de tensions et de conflits.
Jean-Marie Pelt et Pierre Rabhi, amis de longue date, mettent ici en commun, par-delà les désespérances de notre temps, une vision qui se veut optimiste mais qui exige, à leurs yeux, pour aboutir à un monde plus juste et fraternel, une authentique et massive « insurrection des consciences ».
Où en sommes-nous de la démocratie française ? Qu?avons-nous fait des valeurs et des principes prônés par la démocratie naissante de 1789 ? Dans quelle mesure sont-ils toujours opérants ? Pourquoi, et par quels processus, certains d?entre eux se sont-ils pervertis ?Comment, aujourd?hui, sanctifier l?épanouissement personnel sans favoriser l?incivilité ? Comment étendre le domaine de la liberté sans le faire au détriment des conditions sociales ? Quel prix à payer pour que la démocratie reste le meilleur garant des principes qu?elle instaure ? Comment ne pas succomber à l?entropie communautaire ? Comment se préserver d?un retour du religieux ? Comment concevoir un destin commun à l?ère de l?individualisme collectif ? En un mot, comment conduire la démocratie à l?âge adulte si les citoyens demeurent des enfants à qui tout est dû ?
La vie, la folie, les mots : trois femmes s'en sont faites les exploratrices lucides et passionnées en engageant leur existence autant que leur pensée, et en éclairant pour nous les enjeux majeurs de notre temps : Hannah Arendt (1906-1975), Melanie Klein (1882-1960) et Colette (1873-1954). Les trois volumes de cet ouvrage, dont voici le premier, se proposent d'en retracer l'aventure.
L'impact de certaines oeuvres ne se traduit pas à la somme de leurs éléments. Il dépend de l'incision historique qu'elles opèrent, de leurs répercussions et de leurs suites, de notre réception. Quelqu'un s'est trouvé à cette intersection, en a cristallisé les chances : le génie est ce sujet-là. Trois femmes extraordinaires ont ainsi marqué l'histoire de ce siècle. Mais qu'est-ce qui fait la singularité de chacune oe Hannah Arendt, philosophe et politologue, est tout entière prise dans une méditation sur la vie qui demeure notre ultime après la crise des religions et idéologies. Vie menacée, vie désirable : mais quelle vie ? Face aux camps des deux totalitarismes, c'est sur le miracle de la natalité que se concentre l'oeuvre de cette rescapée du nazisme qui, en discussion avec Heidegger, et en rejetant l'automatisation moderne de l'espèce, pose des jalons d'une action politique envisagée en tant que pluralité vivante : comme naissance et comme étrangeté. Une utopie ? A moins que ce ne soit une manière de pardon, et donc une promesse.
Julia Kristeva a publié chez Fayard Etrangers à nous-même, Les nouvelles Maladies de l'âme, Sens et non-sens de la révolte, La révolte intime, ainsi que trois romans : Les Samouraïs, Le Vieil Homme et les loups, Possessions.
« Voici bientôt soixante ans que je parcours l'Arctique, du Groenland à la Sibérie, ses immenses déserts glacés habités par des sociétés ancestrales au destin héroïque.
Adressée aux citoyens du grand Nord, cette lettre est un cri d'alarme : Résistez mes amis ! En n'acceptant l'exploitation des richesses pétrolières et minières de l'Arctique qu'avec votre sagesse. L'Occident est mauvais et nous avons besoin de vous. Le matérialisme nous conduit à notre perte.
Puisse le citoyen inuit de 2022 voir le rêve des explorateurs se réaliser : un pôle non pollué où règnera un humanisme écologique. Il est urgent de reconnaître la prescience des peuples premiers et de prendre enfin humblement conscience que leur volonté obstinée de respecter cette nature ne fait pas d'eux des retardataires, mais des précurseurs. Telle est la force de leur pensée sauvage. »
Le romancier retrace dans sa Leçon inaugurale, qu'il prononcera au début du printemps, une histoire de la littérature, de la littérature coloniale à la littérature « négro-africaine ».
L'Auteur :
Pierre Manent, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, est l'auteur notamment de Tocqueville et la nature de la démocratie (1982, rééd. 1993), d'une Histoire intellectuelle du libéralisme : dix leçons (1987) et de La Cité de l'homme (1994).
Notre «grande illusion», selon Pierre Manent, est que seule la politique nous sépare de l'humanité réunie qui serait à portée de main. La thèse de ce livre est au contraire que nous n'avons accès à notre humanité que par la médiation de l'ordre politique.
Auprès de la question théorique ou historique traditionnelle : Qu'est-ce que la littérature ?, se pose avec plus d'urgence aujourd'hui une question critique et politique : Que peut la littérature ?. Quelle valeur la société et la culture contemporaines attribuent-elles à la littérature ? Quelle utilité ? Quel rôle ? Ma confiance en l'avenir de la littérature, déclarait Italo Calvino, repose sur la certitude qu'il y a des choses que seule la littérature peut nous donner. Ce credo sera-t-il encore le nôtre ?
Cette fin de siècle a vu un véritable bouleversement dans notre façon de concevoir le monde. Après avoir dominé la pensée occidentale pendant trois cents ans, la vision newtonienne d'un univers fragmenté, mécaniste et déterministe a fait place à celle d'un monde exubérant de créativité. Le Réel n'est plus déterminé seulement par des lois naturelles appliquées à des conditions initiales particulières, mais aussi moulé et façonné par une suite d'événements contingents et historiques qui peuvent bouleverser la réalité à son niveau le plus profond. Celui du bolide rocailleux venu percuter la Terre il y a quelque 65 millions d'années et responsable de la mort des dinosaures en est un exemple. Les lois physiques ont perdu leur rigidité. Avec l'avènement de la mécanique quantique, le hasard est entré en force dans le monde subatomique. Le monde macroscopique n'a pas été épargné. Avec la théorie du chaos, le hasard et le non-déterminisme ont envahi non seulement la vie de tous les jours, mais aussi le domaine des planètes, des étoiles et des galaxies. Débarrassée de son carcan la Nature peut enfin innover et créer.
J'ai voulu retracer ici, dans un langage simple et au travers d'exemples tirés de l'astrophysique, de la physique, de la biologie et des mathématiques, le développement des idées qui ont mené à cette nouvelle vision du monde. L'ouvrage s'adresse à l' " honnête homme ", non pourvu de bagage technique, mais curieux des extraordinaires avancées de la science au cours du XXe siècle, ainsi que de leurs implications philosophiques et théologiques: pourquoi Beauté et Vérité vont-ils souvent de pairoe Comment la Nature se sert-elle de subtils principes de symétrie pour imposer une profonde unité et harmonie au monde physiqueoe Pourquoi l'homme est-il doué d'une " déraisonnable efficacité " à comprendre l'universoe Se peut-il que ce soit pour lui donner un sensoe Trinh Xuan Thuan est originaire de Hanoï, Vietnam. Après avoir fréquenté le lycée français de Saigon, il fait ses études à Caltech et à Princeton, aux Etats-Unis. Professeur d'astronomie à l'université de Virginie, il est l'auteur de La Mélodie secrète, qui a rencontré la faveur d'un large public.
Pour inaugurer la chaire « L'invention de l'Europe par les langues et les cultures », Alberto Manguel suit au fil des siècles et des lieux le mythe d'Europa, dont le contenu constitue peut-être la pierre de touche qui prête aux peuples de l'Europe une identité commune intuitive.
Le mythe est, essentiellement, un déplacement, une métaphore, une traduction, une parole qui signifie « emporté d'un lieu à un autre ». Les mythes sont transformés, altérés, renouvelés pour correspondre aux besoins d'un temps et d'un lieu. Ils restent néanmoins eux-mêmes, n'étant pas créés en tant que fabrications de l'imagination humaine mais comme des manifestations concrètes de certaines intuitions primordiales.
Pour inaugurer la chaire annuelle L'invention de l'Europe par les langues et les cultures du Collège de France, créée en partenariat avec le ministère de la Culture, Alberto Manguel analyse dans l'espace et le temps le mythe d'Europe, dont le contenu pourrait constituer la pierre de touche qui donne aux peuples européens une identité commune intuitive.
Le discours n'est pas seulement un message destiné à être déchiffré; c'est aussi un produit que nous livrons à l'appréciation des autres et dont la valeur se définira dans sa relation avec d'autres produits plus rares ou plus communs. L'effet du marché linguistique, qui se rappelle à la conscience dans la timidité ou dans le trac des prises de parole publiques, ne cesse pas de s'exercer jusque dans les échanges les plus ordinaires de l'existence quotidienne: témoins les changements de langue que, dans les situations de bilinguisme, sans même y penser, les locuteurs opèrent en fonction des caractéristiques sociales de leur interlocuteur; ou, plus simplement, les corrections que doivent faire subir à leur accent, dès qu'ils sont placés en situation officielle, ceux qui sont ou se sentent les plus éloignés de la langue légitime.
Instrument de communication, la langue est aussi signe extérieur de richesse et un instrument du pouvoir. Et la science sociale doit essayer de rendre raison de ce qui est bien, si l'on y songe, un fait de magie: on peut agir avec des mots, ordres ou mots d'ordre. La force qui agit à travers les mots est-elle dans les paroles ou dans les porte-paroleoe On se trouve ainsi affronté à ce que les scolastiques appelaient le mystère du ministère, miracle de la transsubstantiation qui investit la parole du porte-parole d'une force qu'elle tient du groupe même sur lequel elle l'exerce.
Ayant ainsi renouvelé la manière de penser le langage, on peut aborder le terrain par excellence du pouvoir symbolique, celui de la politique, lieu de la prévision comme prédiction prétendant à produire sa propre réalisation. Et comprendre, dans leur économie spécifique, les luttes les plus éloignées, en apparence, de toute rationalité économique, comme celles du régionalisme ou du nationalisme. Mais on peut aussi, à titre de vérification, porter au jour l'intention refoulée de textes philosophiques dont la rigueur apparente n'est souvent que la trace visible de la censure particulièrement rigoureuse du marché auquel ils se destinent.
P. B.
« Il y a, d'un côté, la vie qui s'écoule avec un commencement et une fin, et de l'autre, la vie qui fait la singularité humaine parce qu'elle peut être racontée. On pourrait ainsi parler de vie biologique et de vie biographique. L'espérance de vie mesure l'étendue de la première. L'histoire de vie relate la richesse de la seconde. L'inégalité des vies ne peut être appréhendée que dans la reconnaissance des deux. Elle doit à la fois les distinguer et les connecter. Les distinguer, car le paradoxe des femmes françaises montre qu'une vie longue ne suffit pas à garantir une vie bonne. Les connecter, car l'expérience des hommes afro-américains rappelle qu'une vie dévalorisée finit par produire une vie abîmée. C'est ainsi que se pose également la question des réfugiés et des migrants. » Didier Fassin est anthropologue, sociologue et médecin. Professeur à l'Institute for Advanced Study de Princeton et directeur d'études à l'EHESS, il est titulaire de la chaire annuelle de Santé publique du Collège de France créée avec le soutien de l'agence nationale Santé publique France. Ses travaux, conduits sur trois continents, portent sur les enjeux politiques et moraux des sociétés contemporaines.
Quand dire, c'est vraiment faire : comment fait-on des choses avec des mots, comment fait-on vraiment des choses rien qu'avec des mots ? Cet ouvrage produit un court-circuit entre l'une des inventions contemporaines les plus « révolutionnaires » en matière de langage à en croire Austin : le performatif, et la toute-puissance du logos grec.
Le premier épisode isole une généalogie païenne du performatif. Quand Ulysse dit à Nausicaa : « Je te prends les genoux » parce qu'il a trop peur de lui prendre les genoux, à quelles conditions est-ce là « un discours qui gagne » ? Le second temps part de la sophistique. Dans l'Éloge d'Hélène, Gorgias théorise le pouvoir du logos qui « avec le plus petit et le plus inapparent des corps performe les actes les plus divins ». Quel est alors le statut de ce que la philosophie appelle rhétorique ? Le troisième moment est contemporain. Desmond Tutu, qui préside la Commission Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud, inventée pour éviter un bain de sang prévisible post-apartheid, dit : « On croit d'ordinaire que le langage dit les choses. La Commission n'est pas de cet avis. Le langage, discours et rhétorique, fait les choses. Il construit la réalité. » Qu'apprenons-nous ainsi sur la performance-performativité de la parole en politique ?
Que reste-t-il donc aujourd'hui, à l'ère des fake news, des deux fétiches dont Austin se joue : le fétiche vrai/faux et le fétiche valeur/fait ? A travers ces trois mises en scène poétique, rhétorique et politique de la performance langagière, Barbara Cassin, dans la suite de ses travaux sur l'évaluation, la psychanalyse ou la traduction, poursuit son exploration de ce que peuvent les mots.
Barbara Cassin, directrice de recherche au CNRS, est philologue et philosophe, spécialiste de philosophie grecque. Elle a été élue en mai 2018 à l'Académie française.
Quelle est la forme de l'univers ? Est-il courbe, refermé sur lui-même ? Est-il en expansion ? Vers quoi tend-il ? L'espace serait-il « chiffonné » au point de créer des images fantômes des lointaines galaxies ? Telles sont les questions que pose Jean-Pierre Luminet avant d'y répondre dans une langue toujours claire et fluide. Spécialiste des trous noirs et du big bang, il nous fait voyager dans de surprenants couloirs de l'espace-temps où topologies de l'univers, explorations de l'infini et mirages cosmiques conjuguent leurs mystérieux attraits pour dérouter nos sens. La construction de l'ouvrage épouse la forme de son sujet: une lecture à multiples entrées, des pistes à explorer pour s'y perdre, bifurquer à nouveau ou revenir en arrière, au gré du plaisir ou de la curiosité de chacun. Anecdotes cocasses et révélations historiques étonnantes agrémentent un parcours très visuel. Dans quel univers sommes-nous plongés ? A travers les concepts les plus déconcertants de la cosmologie, l'auteur nous entraîne, au fond, à la recherche des secrets de la beauté sidérale.
Astrophysicien à l'Observatoire de Meudon Jean-Pierre Luminet est directeur de recherche au CNRS. Les résultats de ses travaux scientifiques sur les trous noirs et ses modèles d'« univers chiffonné » ont fait sa renommée internationale, et son activité est couronnée de nombreux prix. Il est l'auteur notamment des Trous noirs (1992) et de Figures du ciel (1998).
La vie de mon fils a été interrompue de façon imprévisible et violente. D'une façon en quelque sorte inacceptable. Mais je veux soutenir ici qu'en dépit de ces apparences, sa vie, singulière comme toute vie réellement subjectivée, a existé, pleinement, porteuse d'un sens dont la signification et l'usage avaient valeur universelle.
À la faveur d'une réflexion sur la révolution tunisienne, son déroulement, ses développements les plus récents, Yadh Ben Achour interroge le sens d'un mot, « révolution », particulièrement fort dans la mémoire collective francophone.
Le mot révolution, comme l'a bien remarqué Alain Rey, « est devenu très actif dans la mémoire collective des francophones depuis la fin du xviiie siècle ». Yadh Ben Achour examine la révolution tunisienne en la replaçant tout d'abord dans son cadre historique, au regard de la théologie politique islamique classique et sous l'angle de l'anthropologie historique, puis en étudiant l'ambiguïté de son déroulement dans le contexte des récentes révolutions arabes.
Notre univers a une histoire, et celle-ci nous concerne au plus haut point puisqu'elle débouche sur nous. L'épopée du cosmos est aussi la nôtre.
Les avancées scientifiques du siècle dernier ont changé de manière radicale la conception de nos origines. Nous disposons aujourd'hui d'une grande fresque historique, toujours magnifique, et sans cesse envoûtante. Jamais cette histoire de nos origines ne fut déployée sur un temps si long - quelque 14 milliards d'années - ni dans un espace aussi vaste. Jamais elle ne fut si vraie, puisque toutes les sciences, de l'astrophysique à la neurobiologie, de la physique à la chimie en passant par l'anthropologie, la primatologie et la géologie, concourent sans relâche à l'élaborer et à l'affiner.
Cet ouvrage a l'ambition de raconter dans un langage simple et clair cette grandiose épopée, de la naissance de l'univers jusqu'à l'émergence de la vie et de la conscience, en passant par la formation des galaxies, des étoiles et des planètes. Il veut être aussi un livre qu'on feuillette pour la beauté de ses images. L'homme vivant entre deux infinis auxquels il n'a pas directement accès, ce livre se propose d'ouvrir au lecteur les portes de l'infiniment grand - galaxies lointaines, nébuleuses bariolées de la Voie lactée, planètes du système solaire - aussi bien que celles de l'infiniment petit - cellules vivantes, réseaux de neurones, double hélice de l'ADN -, et de lui révéler de multiples et nouveaux aspects de la splendeur du monde.
« Quel que soit l'intérêt qu'on porte à la conjoncture étroitement nationale du mouvement des gilets jaunes, tout comme à l'obstination méprisante du pouvoir en place, nous devons tenir ferme sur la conviction qu'aujourd'hui, tout ce qui importe vraiment est que notre patrie est le monde.
Ce qui nous ramène aux dénommés "migrants . Il faut agir, bien évidemment, pour ne plus tolérer les noyades et les arrestations et la mise à l'écart pour des raisons de provenance ou de statut. Mais au-delà, il faut savoir qu'il n'y a de politique contemporaine qu'avec ceux qui, venus chez nous, y représentent l'universel prolétariat nomade.
En convoquant les textes philosophiques et politiques, mais aussi les poèmes, je voudrais examiner l'état actuel de cette cause et explorer la direction de ce que le poète nomme l'éthique du vivre monde et que je nomme, moi, le nouveau communisme. » A.B.
Alain Badiou est philosophe, dramaturge et romancier.
Sur fond de Seconde Guerre mondiale et d'une France de l'après-guerre, ce beau volume en partie inédit révèle un Boris Vian tour à tour facétieux, amoureux, tendre, corrosif et combatif.
Boris Vian a beaucoup écrit. 10 000 pages ont été publiées, restait en suspens la correspondance.
Dans les échanges avec sa première épouse Michelle se dessinent notamment l'univers de Saint-Germain-des-Prés, celui de Saint-Tropez avec ses clubs et ses personnalités hautes en couleur. Les copains - écrivains, jazzmen ou artistes - deviennent source d'inspiration, voire des personnages de son oeuvre. Boris Vian leur écrit, mais répond aussi continuellement aux missives d'admiratrices, de lecteurs anonymes passionnés de musique et aux journalistes qui n'aiment pas son style.
Quant à la séquence familiale inédite qui ouvre cet ouvrage, elle résonne avec une puissance singulière. Les lettres à sa mère, surnommée Pouche, alors qu'il est en première année de l'École centrale, sont particulièrement touchantes, comme ses charmants échanges plus tard avec ses deux enfants, Patrick et Carole.
Ses lettres d'amour nous bouleversent, qu'elles soient coquines, drôles ou poétiques. Et puis un jour le premier amour disparaît pour refleurir ailleurs, avec Ursula, son Ourson.
Si l'on connaissait son esprit facétieux et provocateur, cette correspondance révèle l'humeur parfois assombrie d'un homme qui se sait malade depuis l'adolescence et qui vit différemment. Ressort quelquefois le ton d'un écrivain blessé de ne pas avoir été compris ni sous son nom ni sous celui de Vernon Sullivan. Même si Simone de Beauvoir lui écrit avoir aimé « en gros et en détail » L'Écume des jours ou que Raymond Queneau le soutient contre vents et marées.
Pour répondre à la douleur des enfants d'Arménie, voici un beau livre mêlant leurs dessins et des lettres d'artistes et d'écrivains engagés pour que le bruit des bombes et les horreurs de la guerre cessent enfin.
Marie-Claire Margossian est, après avoir été directrice des programmes de la chaîne Ciné+ Classic de Canal+ pendant quinze ans. Française jusqu'au bout des ongles, elle n'a pas oublié qu'elle est aussi arménienne. Une identité qu'elle a toujours portée en elle avec fierté, sans jamais l'interroger... jusqu'au jour où le conflit dans le Haut-Karabakh a éclaté. « Alors, on s'est souvenu de ce que voulait dire être arméniens, tel un second réveil. L'histoire semble se répéter et c'est le martyre de nos grands-parents, leurs récits de souffrance qui, cruellement, se rappellent à nous. Et on a crié notre douleur face à cette guerre sanglante. Chacun d'entre nous a retrouvé son âme d'enfant. » C'est justement aux enfants d'Arménie que M.-C. Margossian a voulu donner la parole. Ceux qui ont vécu cette guerre dans leur chair. Qui ont perdu des proches, ont vu leur village attaqué ou bombardé. Elle a appelé les écoles une à une pour faire dessiner les élèves, afin qu'ils donnent vie à leur Arménie. Le dessin est là-bas une véritable institution. Les oeuvres de ces jeunes artistes âgés de 4 à 15 ans sont inoubliables. Elles mêlent les couleurs chatoyantes de l'Arménie à l'acier de la guerre et au rouge du sang.
Arménie, les enfants de la guerre est ainsi la voix de ces enfants innocents touchés par la violence, dans une quasi-indifférence internationale. Peu de plumes vaillantes sont allées sur le terrain. Jean-Christophe Buisson a été l'une d'entre elles, aussi sa préface était-elle une évidence. À ses côtés, des artistes et intellectuels disent leur soutien à ces enfants du courage, dans des lettres poignantes et authentiques.Avec des contributions d'Antoine Agoudjian, Essaï Altounian, Ariane Ascaride, Serge Avédikian, Nicolas Aznavour, Youri Djorkaeff, Sophie Fontanel, Macha Gharibian, David Haroutunian, Pascal Légitimus, Andreï Makine, André Manoukian, Jacky Nercessian, Michel Onfray, Astrig Siranossian et Valérie Toranian.
Trois euros par ouvrage vendu seront reversés et partagés entre l'Association Aznavour et Santé Arménie, qui soutiennent les victimes du conflit en Arménie.